Traversée de l'Afrique (1881 et 1882)


De l'Ouest à l' est, depuis San Paolo de Luanda jusqu'à Zanzibar, par le lieutenant Wissmann et le Dr Pogge, en 1881 et 1882.

L'intérieur de l'Afrique, si longtemps resté inconnu et considéré comme impénétrable, est actuellement la partie du globe qui attire, plus que toute, autre région, l'attention des géographes. Les voyages de Livingstone, de Stanley, de Schutt, de Buchner et de plusieurs autres explorateurs courageux et dévoués, ont permis de remplacer les espaces vides dans la carte de l'Afrique par l'indication précise de lieux où, depuis des époques ignorées, vivent des populations tantôt dispersées, tantôt condensées, souvent encore sauvages jusqu'au cannibalisme, d'autres fois jouissant déjà d'un certain degré de
culture ou d'industrie.

Deux explorateurs nouveaux, le lieutenant Wissmann et le Dr Pogge, ayant reçu de la Société africaine, établie à Berlin, la mission de visiter le bassin encore peu connu du Congo, l'un des plus grands fleuves de la terre, ont parcouru avec succès, pendant deux années, le continent africain entre l'océan Atlantique et la mer des Indes.
C'est assurément l'un des plus remarquables voyages accomplis de nos jours, et plusieurs Sociétés de géographie d'Angleterre, d'Allemagne, de Belgique, d'Italie, etc., se sont déjà, empressées d'en parler dans leurs publications.

Pour rendre compte do ce voyage le plus exactement possible, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de nous guider, sur le récit fait par le lieutenant Wissmann lui-même, le 23 mars dernier, dans une conférence au sein de la Société impériale et royale de Géographie de Vienne, et dont le texte a paru dans le dernier bulletin de cette Société. Ce récit résumant tout le voyage, nous allons en donner, par extraits, les passages.les plus intéressants.

Partis de Hambourg le 18 novembre 1880, MM. Wissmann et Pogge arrivent au commencement de janvier 1881 à San-Paolo de Loanda, possession portugaise sur la cote africaine occidentale; de là, ils remontent en bateau à vapeur la rivière Quanza jusqu'à Dondo, l'un des endroits les plus malsains de la contrée, auquel les Portugais ont donné le nom de Inferno do mondo. Sans s'y arrêter longtemps, ils Vont plus loin, à Malange, où ils peuvent se munir, comme tous les voyageurs, des objets nécessaires pour la route. Ils y rencontrent le docteur Buchner et le major de Mechow qui, de retour du royaume de Mouata Jamwo, leur démontrent l'impossibilité de pénétrer au delà de Mussamba, à cause des peuplades hostiles.

Après avoir engagé des porteurs à Malange, il s'en vont, en traversant le pays des Mossongos, chez les Mokosas, tribu qui exerce le brigandage avec un raffinement tout spécial. Lorsqu'une caravane se montre, l'un des habittants a soin de déposer au milieu de la route une lance, une hache, un couteau ou quelque autre objet digne d'être ramassé, et va ensuite se cacher à proximité dans un buisson, épiant le moment où l'un des précurseurs de la caravane ne manque pas de s'approprier la. trouvaille. Aussitôt le nègre fait son apparition, plein de colère, et court, en criant au voleur, chez le chef ou roi, qui fait arrêter la caravane. Or, les usages du pays veulent que le vol soit puni très sévèrement par des dédommagements et des amendes payables, soit en monnaie, soit en marchandises. C'est ordinairement le roi qui prononce le jugement et le fait exécuter sans retard, après quoi la-caravane peut se remettre en route.

D'autres fois on vient offrir • quelque maigre chèvre comme cadeau, pour exiger ensuite, à titre d'équitable compensation, de l'eau-de-vie, de la poudre, des étoffes ou autres objets bons à accepter.
Après avoir poursuivi leur itinéraire jusqu'à Kimboundo, où ils arrivent à la fin de juillet, nos voyageurs se décident à changer de direction, conformément aux'conseils du docteur Büchner, pour éviter le royaume dû rapace Mouata-Jamwo. Ils s'en vont donc au nord, vers le pays des Bashilanges, peuplade paisible, ayant avec eux, ' outre les interprètes nécessaires, 69 porteurs et un certain nombre de taureaux qui servent de monture, ces animaux pouvant prendre toutes les allures du cheval, tout en-étant plus sobres et plus résistants aux fatigues.

Plus au nord encore, ils arrivent chez les Kiokos qui, moins accommodants que les Bashilanges, cherchent à leur susciter toutes sortes d'entraves, prétendant que les caravanes portent tort à leur propre commerce. Cependant, en accélérant le pas, non sans avoir fait des dons accompagnés de menaces, la troupe espère passer outre, lorsque l'un des chefs vient lui barrer le chemin de vive force, jusqu'à ce que, voyant les porteurs s'armer de fusils et recevoir dès cartouches pendant qu'ils entonnent leur chant de combat, il modère son ardeur belliqueuse et laisse la voie libre, après avoir, bien entendu, reçu une gratification.

Toutefois, ceux qui causent le plus d'ennui, ce sont les porteurs eux-mêmes, en se montrant pendant la-marche les ennemis déclarés de ceux qui commandent, et en les exploitant par tous les moyens imaginables.

Le district de Kalôunda, qui vient ensuite, a pour chef Kahoungoula, l'un des tributaires du redouté Mouata Jamwo. Ce Kahoungoula avait agi traîtreusement envers le docteur Büchner, mais, au moment du passage de MM. Wissmann et Pogge, il est absent, et ceux-ci, après avoir présenté leurs hommages à sa sœur Guimbaousa, qui ne les contrarie en rien, se hâtent d'aller plus loin, avant la rentrée du frère, qui ne devait pas tarder.

Son empire se trouvant en face des possessions portugaises, Mouata-Jamwo a établi une sorte de barrière que les caravan.es franchissent difficilement sans être pillées. Celle de nos voyageurs, en se tenant toujours près de la rivière Tshikapa, qui sert de frontière, arrive, après avoir rencontré maints obstacles, dans le pays des Banpendes, sur les bords du Kasaï, où des envoyés du chef Kissenge viennent à leur tour se mettre en travers, toujours en vue d'une contribution forcée dont il faut s'acquitter de bonne grâce pour être libre. Plus tard, le chef Hongolo est si bien apaisé par quelques barils de poudre et une pièce de calicot, qu'il ordonne à son parent Ramba- Gouchi d'aller accompagner la caravane jusqu'aux domaines du roi Mukenge avec trente Kiokos, pour la protéger contre d'autres déprédations.

Le service des nègres chargés de porter les bagages et les marchandises se fait assez bien pendant ce temps, mais un jour, plusieurs, après entente préalable entre eux, exigent.une paie plus forte pour aller plus loin..Ou leur dit de poser leurs paquets à terre et de s'en retourner, et ils obéissent, lorsque, en voyant, la majorité de leurs camarades rester fidèlement sur la place, ils reviennent tout honteux et remettent tranquillement les fardeaux sur leurs épaules. Une autre fois ce fut plus grave: des libations trop abondantes de vin de palmier avaient causé chez un certain nombre de porteurs une ivresse tellement furieuse, que,dans une rixe, il y eut des hommes blessés par des coups de couteaux ou de haches, pendant que 'd'un autre côté des porteurs faisaient des tentatives pour s'échapper avec les bagages. Heureusement les fusils se trouvant hors de la portée des furibonds, ceux-ci redevinrent peu à peu calmes et soumis, en sorte que tout rentra dans l'ordre.

La troupe arrive enfin dans le pays des Bashilanges, qui est soumis à deux rois, Mukenge et Nkonko, entre lesquels l'accord se maintient assez bien, tout comme parmi leurs sujets. Ceux-ci se composent d'une race nègre avec laquelle les blancs peuvent avoir de très bonnes relations, d'autant plus que les blancs sont, regardés par elle comme des êtres tout à fait supérieurs. Mais, en même temps que par leur couleur, les deux chefs de la caravane impressionnent vivement la population par les taureaux sur lesquels ils sont assis, et bientôt le bruit se répand que les deux blancs doivent être les prédécesseurs des rois actuels, partis naguère au loin vers l'ouest avec de l'ivoire, et revenant maintenant en triomphe, après avoir été transformés dans la mer. Dès lors, la réception devient une fête, pendant que les voyageurs se prêtent bénévolement à ces démonstrations, qui vont jusqu'à obliger le lieutenant Wissmann à reconnaître sa vieille mère Kabasubabo qu'on vient lui présenter et qui, pleine de joie, lui fait savoir qu'il retrouvera encore parmi ses richesses d'autrefois une vingtaine ou une trentaine de femmes et des dents d'éléphants. Il remercie cordialement et demande que tout cela soit conservé avec soin jusqu'à son retour du nouveau voyage qu'il devra entreprendre sous peu. Sur ces entrefaites, les deux rois ayant appris ce qui se passe, font inviter instamment les revenants à venir les trouver dans leurs résidences respectives, assez éloignées l'une de l'autre. Un refus n'étant pas admissible, MM. Wissmann et Pogge se séparent le 23 octobre pour se rendre, le premier chez Nkonko qui habite assez près, et le second chez Mukenge, où il n'arrive qu'au bout d'une semaine. Très hospitalièrement traités l'un et l'autre, il leur faut demeurer là pendant un mois entier, au bout duquel ils peuvent se rejoindre à la résidence de Nkonko pour continuer leur voyage. Mais de'leurs soixante-neuf porteurs, trente seulement se montrent disposés à aller-plus loin, et il faut remplacer les autres par des Bashilanges, ce qui, du reste, ne présente pas de difficultés.

Le roi Mukenge, voulant donner un dernier témoignage d'affection, se joint au cortège avec une suite de deux cents indigènes, moitié hommes,,moitié femmes, et ne le quitte que sur, les bords du lac Munkamba. . ..

Ce lac passe dans le pays pour être tellement vaste, qu'aucun oiseau ne peut voler par dessus et qu'un hippopotame n'est pas assez fort pour résister à la violence de ses lames ;. mais, en réalité, les dimensions n'en ont rien d'imposant, et. cinq heures suffisent pour en faire le tour à trot de taureau.

Pendant le mois de décembre on traverse le pays des Bashilanges, qui ont la coutume de se tatouer à outrance, et l'on arrive, au commencement de 1882, à la rivière Lpuhi, toute,bordée de belles fleurs tropicales. Après l'avoir passée, on se trouve, comme par enchantement, dans un autre monde : des habitations propres et spacieuses, entourées de jardins, forment en lignes droites des villages peuplés par les Basonges, race nègre bien, faite en même temps qu'industrieuse. Malgré son isolement de tout contact étranger, elle suffit à tous ses besoins mieux que les tribus voisines; car elle sait travailler l'argile le bois, le cuivre, le fer, et même confectionner des vanneries et des étoffes.

Ce pays est actuellement gouverné par le roi Katchitch, vieillard aveugle, mais néanmoins redouté, ayant la réputation d'être grand sorcier.

Après une bonne semaine de repos, la troupe veut reprendre sa marche vers l'est; mais cela ne fait pas le compte du roi, qui exige que, par reconnaissance pour le bon accueil, elle lui prête d'abord assistance contre une peuplade voisine du côté du nord, dont il tient à punir les fréquentes incursions accompagnées de brigandages.

En même temps, tous les porteurs, excepté cinq, refusent de partir, effrayés qu'ils sont par les histoires d'anthropophagie aux alentours, que le roi fait raconter dans le campement. Cela rend la situation des explorateurs excessivement critique, car, sans escorte suffisamment nombreuse, ils ne peuvent oser aller plus loin et, d'ailleurs, le roi insiste. Ils se montrent alors sorciers à leur tour tant pour le roi que pour leurs nègres, en lançant pendant la nuit en l'air des fusées et des bombes, dont les lueurs et les détonations répandent l'effroi et empêchent le sommeil; si bien que bientôt la permission de partir est accordée. Quant aux porteurs, la ferme déclaration qu'ils n'obtiendraient ni armes ni vivres pour s'en retourner suffit pour les remettre dans l'obéissance, en sorte qu'à la fin du mois de janvier on peut prendre"congé du roi Katchitch. Pendant un mois et demi on passe au milieu d'immenses prairies abondamment arrosées et habitées de loin en loin par les Batuas, race guerrière, par les Bénékis, groupés dans des villages de plusieurs kilomètres d'étendue, et par les Kaléboues, qui s'enfuient chez eux dès qu'ils voient approcher une caravane, de peur qu'elle soit composée d'Arabes ravisseurs.

Ces peuplades sont plus ou moins cannibales, et il faut savoir les faire rester à distance. Cependant'dans le nombre il s'en trouve une tout à fait inoffensive, dont on ne rencontre plus que des restes dispersés çà et là, par grandes distances, dans l'isolement, et qui semble constituer une race à part, peut-être primitive, mais dans tous les cas dégénérée. Ce sont des nègres rabougris, maigres, sales, d'un aspect sauvage et repoussant, que les tribus environnantes méprisent; ils vivent par groupes peu nombreux dans de pauvres huttes en chaume, possèdent quelques poules, et se nourrissent principalement de fruits qu'ils obtiennent sans culture ou des produits.de la chasse pour laquelle ils se servent de flèches dont les pointes sont rarement en fer. Cependant ils vont à la chasse accompagnés de chiens qui ressemblent à des 'lévriers et dont l'intelligence paraît supérieure à celle des chasseurs. La langue de ces nègres n'a rien de commun avec les langues des autres peuples, et leur industrie est, pour ainsi dire, nulle.

C'est, en un mot, une .race naine, arriérée sous tous les rapports, et en apparence incapable de progresser, dont Stanley ainsi que Schutt ont déjà fait mention, le premier leur donnant le nom de "Watwa" et le second celui de Batwa. lies provisions des objets nécessaires pour les échanges et les cadeaux commençant à s'épuiser, la troupe se dirige vers le milieu de mars sur Nyangoué, station arabe sur le Lualaba, bien connue par les relations de Livingstone et de Stanley, et où l'on peut trouver à acheter des marchandises à crédit. Pour s'y rendre, il faut, par des pluies presque incessantes, se frayer un chemin dans des marécages recouverts d'un véritable feutre de plantes herbacées, où la hache-devient souvent nécessaire à chaque pas. Ce n'est qu'au bout de plusieurs semaines qu'on atteint le Loufoubou, rivière que Stanley nomine Kasoukou. Pour la traversé il faut d'abord construire, tant bien que mal, deux canots, ce qui prend encore huit jours,. pendant lesquels les vivres s'épuisent, de manière qu'on arrive affamé vers le milieu d'avril à Nyangoué, où les marchands arabes se montrent disposés à vendre à crédit, comme on l'avait espéré.

En cet endroit, MM. Wissmann et Pogge prennent la résolution de se séparer, dans le but de multiplier pendant leur mission les découvertes et les études. Le docteur Pogge retourne avec la plus grande partie des porteurs chez le roi Mukenge, pour séjourner au milieu de son peuple si hospitalier jusqu'à ce qu'une autre expédition vienne le remplacer, ou, à défaut de celle-ci, jusqu'au bout des trois années, pour lesquelles il s'est engagé vis-à-vis de la Société allemande de Géographie.

Le lieutenant Wissmann, de son côté, ne gardant que quatre hommes des plus fidèles et cinq fusils, reste à Nyangoué pour se joindre à une caravane arabe qui, se dirigeant vers le lac Tanganika doit passer bientôt. Mais des semaines s'écoulant sans qu'elle paraisse, il se remet courageusement en route au commencement de juin, après avoir obtenu d'un riche Arabe, Achmed-ben-Sélim, à titre de prêt, un supplément d'escorte, consistant en vingt esclaves avec dix fusils. Il n'a point à se féliciter de ce renfort, car les esclaves cherchent à piller dans toutes les localités où ils passent et s'y prennent même parfois à main armée, ce qui provoque naturellement des rixes avec les habitants. Désespérant d'en venir à bout avec ces serviteurs d'emprunt, M. Wissmann expédie un message à Achmed-ben-Sélim pour avoir son avis, et celui-ci lui répond par l'autorisation de fusiller les esclaves fautifs, sans avoir des indemnités ultérieures à payer.

Peu disposé à user d'un procédé aussi violent! et dans l'impossibilité d'ailleurs d'en remplacer les victimes, le voyageur préfère poursuivre sa marche en s'efforçant de maintenir la discipline par une extrême rigueur. Mais avant l'arrivée sur les bords du lac, quelques indigènes parviennent à s'emparer d'un des fusils de l'escorte et, sommés de le rendre, tirent sur elle avec des flèches empoisonnées qui, heureusement, ne blessent personne; il s'ensuit une escarmouche, après laquelle les voleurs, ayant un homme mort et plusieurs blessés, se décident à restituer le fusil. Accablé de fatigue, le lieutenant s'est livré au sommeil dans l'après-midi, lorsqu'il est réveillé en sursaut par un tapage infernal autour de sa tente, et au moment où il veut se lever, celle-ci s'affaisse sur lui.
Parvenu néanmoins à en sortir le fusil à la main, il se voit, entouré d'une foule furieuse qui demande à grands cris la mort du misérable blanc. Une heureuse inspiration le sauve : il met à nu son bras gauche et, montrant une cicatrice, il s'écrie : « Le sang du roi Mirambo et le mien ont coulé ensemble, Mirambo viendra venger son ami!» Or, Mirambo étant pour cette tribu l'ennemi le plus redouté, cette menace faite en son nom suffît pour apaiser l'émeute en un instant.

Comme M. Wissmann est maintenant seul à diriger le voyage, nous allons, pour la suite, nous servir du texte de sa conférence, en lui donnant la parole: « Après avoir passé une quinzaine de jours à Rwanda, sur le rivage du Tanganika, où je trouvai le plus bienveillant accueil dans la station du missionnaire anglais, je fis une excursion du côté de la rivière Loucouga pour traverser ensuite le lac, Débarqué de l'autre côté à Oudchidchi, je me hâtai de renvoyer à Achmed ses vingt esclaves et de les remplacer par un nombre égal d'indigènes.

Tenant alors à faire une visite au roi Mirambo, dont le nom m'avait rendu un si grand service, je partis pour Ouha, sa résidence, en laissant au sud la route des caravanes. Je n'avais chargé mes porteurs que de cinq fusils, croyant que cela suffirait amplement.; mais bientôt j'en eus des regrets, car, pour éviter les hostilités de plusieurs tribus, il fallut faire des détours ou bien marcher seulement pendant la nuit. Les gens de ce pays prétendaient me rendre responsable des ravages que Tibbou-Tibb y avait faits avec ses hordes, et, sous ce prétexte, tout était de bonne prise, ainsi que cela eut lieu pour la femme d'un des porteurs, qui fut enlevée sans qu'il me fût possible de la faire restituer, étant insuffisamment armé. » Le roi Mirambo me reçut très amicalement, faisant en mon honneur rôtir un bœuf et sauter les bouchons de deux bouteilles de champagne. C'est un nègre réellement intéressant et distingué, dont on méconnaît en Europe les qualités. J'ai passé trois jours auprès de ce chef guerrier,
et j'avoue qu'il a su gagner mon estime.» Arrivée Tabora au commencement de septembre, j'y ai trouvé également le meilleur accueil à la' station des missionnaires français.

Ensuite je visitai les missionnaires allemands établis à Gonda, où je pouvais considérer mon expédition comme terminée, puisqu'elle se rattachait à celle que le Dr Kaiser avait faite jusqu'au même endroit en partant de la côte occidentale. . » Cependant pour parvenir jusqu'à cette côte, j'avais encore à passer par plusieurs districts où les mauvaises rencontres étaient plus que probables, les récentes expériences m'ayant appris que, dans l'est de l'Afrique, il ne faut, voyager que fortement armé. Je pris donc le parti de faire marcher ma petite troupe à la suite de celle, autrement organisée,, du fameux Tibbou-Tibb, dont j'avais été, sans l'avoir jamais vu, le complice supposé, et qui n'avait pas d'attaques à craindre. Cela dura, en passant par Ougogo, sur le grand chemin des caravanes, jusqu'à ce que Tibbou-Tibb changeât de direction vers Bagamoïo vers le sud, pendant que je continuai, en sens contraire, la route vers Saadani, en traversant des endroits si riches en éléphants sauvages, que je ne pus résister à l'envie d'organiser une chasse, envie qui faillit me coûter cher.

Ayant découvert le premier les traces toutes fraîches d'un éléphant, je remis, pour les examiner plus à l'aise, mon fusil à l'un des porteurs; mais tout à coup je vis en face de moi un éléphant énorme qui, dès qu'il m'aperçut, accourut et me lança avec sa trompe dans une mare, sur les bords de laquelle d'autres éléphants passaient au même instant avec rapidité. Revenant de mon saisissement, j'appelai mes gens qui ne pouvaient être loin, puisque j'en tendis un coup de fusil et même les cris du cuisinier. A force de chercher je finis par le voir dans la même mare, où il barbottait péniblement ayant été blessé au dos par un coup de défense. Après cette aventure survint encore la rencontre avec un lion, mais celle-ci se passa sans accident, le roi du désert s'étant enfuiavec la balle dont je le gratifiai.»De Saadani, où j'arriva le 15 'novembre, et où j'eus enfin le bonheur de revoir la mer, je me rendis à l'île de Zanzibar, terme de mon voyage, ayant à me féliciter d'avoir pu échapper à tant de dangers et résister à tant de fatigues, d'avoir, en somme, joui pendant mon exploration d'une bonne santé; car, sauf quelques journées de fièvre sur la côte malsaine de l'ouest, et un cas assez grave d'empoisonnement par la nicotine à Saadani, où j'avais fumé du tabac excessivement fort, je m'étais constamment maintenu bien portant et bien disposé. C'est un bonheur du tabac excessivement fort, je m'étais constamment
maintenu bien portant et bien disposé. C'est un bonheur que malheureusement n'ont pas en partage tous les explorateurs, surtout en Afrique.»

En terminant sa conférence, le lieutenant Wissmann aurait pu ajouter, ainsi qu'il l'a fait savoir dans une lettre du 5 janvier dernier à la. Société africaine d'Allemagne, qu'en rentrant en Europe parla voie de Suez, il a dû rester, alité au Caire pendant un mois entier, par suite d'un refroidissement sur la mer Rouge, et qu'à cette date il n'avait pas eu encore des nouvelles de son compagnon, le Dr Pogge. Il annonce en même temps dans cette lettre que les riches collections ethnologiques formées par lui ont été expédiées par navire à voile de Zanzibar à Hambourg.

Ferd. Schrader.
RAPPORT

SUR LEROLE DES MISSIONS GÉOGRAPHIQUES
du Ministère de, l'Instruction publique depuis 1877 (') Empruntant au télégraphe sa rapidité et.un peu son style, nous allons visiter la terre avec les principaux explorateurs dont les voyages ont été accomplis sous les auspices du ministère de l'instruction publique.
Comme point de départ de ces notes, plus particulièrement géographiques, nous prendrons le Rapport sur le service des missions et voyages scientifiques, adresse en 1876, à M. Waddington, ministre de l'instruction publique, par M. de Watte ville, chef de division des sciences et des lettres.
Ce n'est pas seulement dans ses régions excentriques que l'Europe présente encore bien des traits géographiques (') Ce rappor, œuvre de M. Maunoir, à été lu par lui au 21° Congrès des Sociétés savanles.
Notre précédent Bulletin contenait, au sujet de ca Congrès, un article do II. Henri ROdol, pour lequel nous avons'à faire les rectifications suivantes :
P. 249, ligne 8. Au lieu (¡eyetwent, lisez pouvaient.
P. iSI, noie. Au lieu do Vian, lisez Vion.
P. 25S. A la fin de l'article, il est parlé d'une des dernières séantes dit Sénat.
Celte expression doit être rapprochée do la dnto (commencement d'avril) où cet article n été composé.




13/12/2009
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