L’eau, une denrée rare dans la capitale mondiale du diamant

Par Dieudonné Mulela

Kananga



Pas une goute d'eau ne coule des robinets de Kananga pendant plusieurs mois dans de nombreux quartiers. La population recourt à des puits et d'autres sources pourtant non aménagés. Le château d'eau de Kananga est le seul endroit où l'on peut trouver de l'eau potable, mais cela n'est pas facile dans une ville habitée par 1.130.100 personnes selon le recensement électoral de 2006. Jeanne, infirmière-accoucheuse au Centre de Santé de la Ndesha, témoigne : « Il n'ya pas de l'eau pour prendre soins des femmes qui accouchent dans notre centre. Je suis venue au château depuis plusieurs heures mais la queue est très longue ». Les étudiants ne sont pas épargnés. Jean-Louis Katende, étudiant en Géographie à l'ISP (Institut Supérieur Pédagogique) muni de deux bidons de 25 litres se déchaine :     

« Notre région offre au gouvernement de Kinshasa l'essentiel de ses ressources grâce au diamant ». Il dit  « ne pas comprendre l'indifférence des autorités aux besoins vitaux des Kasaïens qui manquent même de l'eau. » En tous cas, cet étudiant n'est pas optimiste : « Kananga qui était proposé comme capitale du Congo grâce à sa position centrale se meurt aujourd'hui dans la gueule de plusieurs érosions, mais priver la population de l'eau est un crime contre l'humanité » dit-il.  

 

Quand la météo prévoit la pluie les gens veillent pour faire de stocks importants. La Régideso, une société de l'Etat qui a le monopole de distribution d'eau  reconnaît la situation mais  l'attribue  à « l'insolvabilité de ses abonnés »  et au manque de carburant. Selon Raoul Kalala agent de recouvrement au service régional financier de la société.

 

Sur 25 quartiers que compte la ville de Kananga, seule une partie du quartier Tshinsambi continue à être desservie en eau potable. Les robinets d'autres quartiers sont restés secs depuis plus de six mois. Selon le directeur provincial adjoint de la Regideso, M. Shamba, « c'est à cause de son rapprochement à l'usine d'eau que cette partie du quartier est desservie. » Sa société reconnaît avoir arrêté de servir les abonnés suite à leur insolvabilité. A ces jours, ajoute M. Shamba, les factures d'eau impayées à Kananga dépassent 1 000 000 000 de Francs congolais (1.205.000 USD). C'est pourquoi, conclut-il, le directeur provincial de cette entreprise a demandé à l'assemblée provinciale de sensibiliser la population afin qu'elle s'acquitte de ses dettes. Ce qui permettra de réaliser mensuellement 60 mètres cube d'eau, nécessaires pour approvisionner la ville en eau potable pour une moyenne de 7 heures par jour. Ces arguments agacent populations et défenseurs des droits de l'homme. Selon Mathilde Umba, mère de famille, enseignante et activiste au sein de « La Voix des Sans Voix » bien connue pour sa fougue : « Le problème est que l'Etat ne rétrocède pas la taxe sur la vente du diamant au gouvernement local tel que prévu dans le code minier afin de permettre à ce dernier de bien payer ses dépenses et fournir des services vitaux tels que l'eau et l'électricité à la population. Kananga est une ville entièrement habitée par des fonctionnaires qui touchent irrégulièrement un salaire de misère, personne ne peut se permettre de payer des factures souvent exorbitantes. Où va l'argent de la taxe ? » s'emporte-t-elle. A Demba, un des greniers de la ville de Kananga, Mulangala Lwakabwanga, député national membre de la majorité présidentielle,  fournit « à titre personnel » 400 litres d'essence à la Régideso locale pour donner de l'eau à la cité. L'action de Mulangala Lwakabwanga est diversement interprétée. D'après Mampuya Kalonji qui enseigne la sociologie dans une école secondaire de la place, « tout geste de bienveillance en faveur de la population est à saluer ». Toutefois, « il ne faut pas être naïf » dit-il.  Mais, Mampuya Kalonji pousse le questionnement plus loin : « Il faut que chacun joue son rôle. L'Etat doit fournir de l'eau et le député voter de bonnes lois sinon pendant combien de temps le député fournira-t-il de l'eau ? A-t-il plus de moyens que l'Etat ? » Demande-t-il d'une voix grave. En attendant, la fin du calvaire dans cette province n'est pas pour bientôt. Dernièrement, le chef de l'Etat, Joseph Kabila avait déclaré au quotidien américain New York Time qu'il consacrait 80% de son temps aux régions de l'Est touchées par la guerre.



03/11/2009
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